20.9.07

DeVenIr

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DEVENIR
On n’est pas dans
le monde, on devient
avec le monde[…].
❝La jeune fille et l’enfant ne deviennent
pas, c’est le devenir lui-même qui est
enfant ou jeune fille.
❝Aucun art n’est imitatif, ne peut-être
imitatif ou figuratif: supposons
qu’un peintre «représente» un oiseau;
en fait, c’est un devenir-oiseau qui
ne peut se faire que dans la mesure
où l’oiseau est lui-même en train
de devenir autre chose, pure ligne
et pure couleur.
❝Qui n’a connu la violence de ces séquences animales,
qui l’arrachent à l’humanité ne serait-ce qu’un instant,
et lui font gratter son pain comme un rongeur
ou lui donnent les yeux jaunes d’un félin? Terrible involution
qui nous appelle vers des devenirs inouïs.
❝Alors on est comme l’herbe: on a fait du monde,
de tout le monde un devenir, parce qu’on a fait un monde
nécessairement communicant, parce qu’on a supprimé
de soi tout ce qui nous empêchait de nous glisser entre
les choses, de pousser au milieu des choses.
QLP160
MP340
MP374
MP294
MP343-344
D9
D8-9
QLP105
MP367
❝Les devenirs, c’est le plus
imperceptible, ce sont
des actes qui ne peuvent
être contenus que dans
une vie et exprimés dans
un style.
❝La guêpe et l’orchidée donnent l’exemple. L’orchidée a l’air de former
une image de guêpe, mais en fait il y a un devenir-guêpe de l’orchidée,
un devenir-orchidée de la guêpe, une double capture puisque «ce que»
chacun devient ne change pas moins que «celui qui» devient.
La guêpe devient partie de l’appareil de reproduction de l’orchidée,
en même temps que l’orchidée devient organe sexuel pour la guêpe.
❝Le penseur n’est pas acéphale, aphasique ou analphabète, mais le devient.
Il devient Indien, n’en finit pas de devenir, peut-être «pour que» l’Indien
qui est Indien devienne lui-même autre chose et s’arrache à son agonie.
On pense et on écrit pour les animaux mêmes. On devient animal pour que
l’animal aussi devienne autre chose. L’agonie d’un rat ou l’exécution
d’un veau restent présentes dans la pensée, non par pitié, mais comme
la zone d’échange entre l’homme et l’animal, où quelque chose de l’un passe
dans l’autre. C’est le rapport constitutif de la philosophie avec la nonphilosophie.
❝Or quelle est l’affaire de la musique, quel est son contenu
indissociable de l’expression sonore? C’est difficile à dire,
mais c’est quelque chose comme: un enfant meurt,
un enfant joue, une femme naît, une femme meurt, un oiseau
arrive, un oiseau s’en va. Nous voulons dire qu’il n’y a pas
là des thèmes accidentels de la musique […] quelque chose
d’essentiel. Pourquoi un enfant, une femme, un oiseau?
C’est parce que l’expression musicale est inséparable
d’un devenir-femme, d’un devenir-enfant, d’un deveniranimal
qui constituent son contenu....