Claire Parnet : N c’est neurologie et cerveau
Gilles Deleuze : Ca c’est très dur, neurologie. C’est vrai que la neurologie m’a toujours fascine. Mais pourquoi ? C’est qu’est ce qui se passe dans la tète de quelqu’un quand il a une idée.
Je préfère quand il a une idée, parce que quand il n’a pas d’idée ca se passe un peu comme dans un billard électrique.
Mais qu’est ce qui se passe ?
Comment ça communique a l’intérieur de la tète ?
Parce qu’avant de parler de communication etc. comment ça communique dans la tète.
Ou bien dans la tète d’un idiot, je veux dire, c’est la même chose quelqu’un qui a une idée ou un idiot.
De toutes façons il ne procède pas par chemin préforme, par associations toutes faites. Eh bien qu’est ce qui se passe…ah si on savait, moi j’ai l’impression qu’on comprendrait tout. Alors ca m’intéresse ; par exemple…et les solutions peuvent être extrêmement variées, je veux dire…Deux extrémités nerveuses dans le cerveau peuvent très bien se mettre en contact, c’est même ca qu’on appelle des processus électriques, les synapses…Et puis il y a d’autres cas, beaucoup plus complexes peut être, ou c’est discontinu et il y a une faille à sauter.
Et moi j’ai l’impression que le cerveau est plein de fentes, et que ça saute dans un régime probabiliste, qu’il y a des rapports de probabilités entre deux enchaînements, que c’est beaucoup plus incertain…très très incertain. Les communications a l’intérieur d’un même cerveau sont fondamentalement incertaines, soumises a des lois de probabilités. Qu’est ce qui me fait penser à quelque chose ?
Alors il faudrait presque se demander lorsque, par exemple, un concept est donne, ou un tableau, une œuvre d’art est contemplée, regardée, il faudrait presque essayer de faire la carte cérébrale qui y correspond.
Quelles seraient les communications continues, les communications discontinues d’un point à un autre.
Moi il y a quelque chose qui m’a beaucoup frappe, c’est une histoire dont les physiciens se
servent beaucoup sous le nom de la transformation du boulanger.
Tu prends comme un carre de pétrin, tu l’étires en rectangle, et puis tu rabats, tu fais un ré-étirage etc. Tu fais tes transformations. Et, a limite de x transformations, deux points tout a fait contigus, forcement seront amenés à être au contraire, très distants. Et, il n’y a pas de points distants qui, a l’issue de x transformations, ne se trouveront pas des points contigus.
Je me dis, lorsque l’on cherche quelque chose dans sa tète, est ce qu’il n’y a pas des brassages de ce type ? Est qu’il n’y a pas des trucs ou deux points, a untel moment de mon idée, je ne vois pas comment les rapprocher, les faire communiquer ; et puis au bout d’un certain nombre de transformations, les voila qui se retrouvent l’un a cote de l’autre.
Je dirais presque que entre un concept ou une œuvre d’art - c'est-à-dire entre un produit de l’esprit - et un mécanisme cérébral, il y a des ressemblances qui sont tellement émouvantes, et moi j’ai le sentiment que la question « Comment pense-t-on ? », « Qu’est ce que signifie penser ? », les question a la fois de penser et du cerveau sont absolument mêlées.
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O my dummy!
O my ventriloquist!